J.O. 186 du 12 août 2006
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Avis de la Commission de régulation de l'énergie du 9 août 2006 sur le projet d'arrêté relatif aux prix de vente de l'électricité
NOR : INDI0608133V
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie le 1er août 2006 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre délégué à l'industrie d'un projet d'arrêté relatif aux prix de l'électricité prévoyant d'augmenter de 1,7 % en moyenne, à compter du 15 août 2006, les tarifs de vente hors taxes de l'électricité mentionnés à l'article 4 de la loi du 10 février 2000.
La lettre de saisine précise que cette augmentation concerne l'ensemble des tarifs réglementés de vente, appliqués par EDF et les entreprises locales de distribution (ELD) :
- aux clients résidentiels non éligibles à ce jour ;
- et aux clients non résidentiels qui n'ont pas encore exercé leur éligibilité, soit, au 1er juillet 2006, 87 % des sites éligibles.
La direction de la demande et des marchés énergétiques (DIDEME) du ministère de l'industrie a transmis à la CRE, le 7 août 2006, les projets de barèmes tarifaires d'EDF.
1. Contexte
1.1. Historique et composition des tarifs de vente réglementés
Après une baisse moyenne d'environ 24 % sur dix ans en euros constants, les tarifs de vente réglementés d'électricité ont augmenté de 3 % en moyenne le 1er juillet 2003. Ils ont diminué de 1,2 EUR/MWh le 1er janvier 2004, montant équivalent à la hausse de la contribution au service public de l'électricité pour 2004.
Ils sont composés :
- d'une part réseau, constituée du tarif d'utilisation des réseaux fixé par la décision ministérielle du 23 septembre 2005 (TURPE 2) et de la contribution tarifaire acheminement (CTA) ;
- d'une part fourniture, qui doit rémunérer les activités de production et de commercialisation de l'électricité.
1.2. Cadre réglementaire d'analyse
La loi du 10 février 2000 dispose, en son article 4, que les tarifs de vente réglementés « couvrent l'ensemble des coûts supportés à ce titre par EDF et les distributeurs non nationalisés » et que « les avis de la Commission de régulation de l'énergie sont fondés sur l'analyse des coûts techniques et de la comptabilité générale des opérateurs ».
Le projet d'arrêté soumis à la CRE se fonde sur le décret no 88-850 du 29 juillet 1988, qui dispose, en son article 3, que l'évolution des tarifs de vente réglementés « traduit la variation du coût de revient de l'électricité, qui est constitué des charges d'investissement et d'exploitation du parc de production et du réseau de transport et de distribution ainsi que des charges de combustibles ».
Lors des saisines précédentes, la CRE ne disposait pas des données lui permettant d'examiner si le niveau des tarifs de vente réglementés permettait de couvrir les coûts. Comme le prévoit le décret du 29 juillet 1988, elle s'attachait à vérifier que les facteurs d'évolution des coûts justifiaient les évolutions tarifaires.
Depuis juillet 2004, la CRE développe un outil de modélisation, dont les principes sont détaillés au paragraphe suivant, afin de juger de l'adéquation du niveau des tarifs aux coûts.
2. Observations
Sur la base des projets de barèmes tarifaires transmis, la CRE observe que la mesure proposée consiste en une augmentation de 1,7 % de tous les termes de la grille tarifaire, aux arrondis près.
2.1. Analyse du niveau
2.1.1. Principes de l'analyse
EDF n'a pas mis en place de comptabilité séparée pour la fourniture des clients auxquels sont appliqués les tarifs réglementés, la directive 2003/54 /CE et la loi du 10 février 2000 n'exigeant qu'une comptabilité séparée entre la fourniture aux clients éligibles et la fourniture aux clients non éligibles.
Néanmoins, afin de vérifier que les coûts de la fourniture sont couverts par la part fourniture des tarifs de vente réglementés et que l'entreprise est en mesure de financer les investissements nécessaires à cette activité, la CRE a développé un modèle financier à partir des informations transmises par EDF sur les exercices 2003, 2004 et 2005, notamment des données comptables. Ce modèle a pour objet d'estimer, pour une année donnée, le compte de résultat de l'activité de fourniture aux tarifs réglementés sur les différents segments de clientèle. Pour les années à venir, il prend en compte des hypothèses économiques sur les facteurs d'évolution des recettes et des charges. En conséquence, seuls les ordres de grandeur des estimations obtenues sont à considérer.
2.1.2. Résultats de l'analyse
La hausse envisagée se traduit par une augmentation de la part fourniture du tarif moyen de chaque catégorie de 1,5 EUR/MWh pour le tarif bleu, 1,2 EUR/MWh pour le tarif jaune et 0,9 EUR/MWh pour le tarif vert A. D'une manière générale, une hausse uniforme des tarifs en pourcentage n'a pas de justification économique et pénalise les clients aux tarifs bleus. Pour refléter la réalité des coûts, les évolutions tarifaires devraient être différenciées par catégorie de tarifs.
Sur la base des conclusions du modèle développé, la CRE considère que, comme la loi l'impose, la part fourniture des tarifs bleus proposés permet de couvrir les charges du fournisseur EDF et de financer les investissements nécessaires à cette activité, notamment grâce à la baisse en 2006 du tarif d'utilisation des réseaux publics. Pour les tarifs jaunes et verts, la hausse proposée ne permet pas d'atteindre ces objectifs.
Pour se prononcer sur le niveau exact de l'augmentation nécessaire, la CRE doit disposer des éléments de comptabilité analytique propres à chaque tarif.
2.2. Analyse de la structure
L'entrée en vigueur, le 1er novembre 2002, du premier tarif d'utilisation des réseaux d'électricité (TURPE 1) aurait nécessité une révision de la structure des tarifs de vente réglementés pour prendre en compte ce tarif et les coûts réels de la fourniture. L'entrée en vigueur du TURPE 2, le 1er janvier 2006, ne remet pas en cause cette exigence.
La part fourniture des tarifs de vente ne reflète, en effet, pas toujours la réalité des coûts de fourniture. Elle est, en particulier, résiduelle, voire négative, pour certains clients aux tarifs verts et jaunes.
En outre, la structure actuelle des tarifs génère des distorsions de concurrence, notamment sur les petites puissances souscrites (la prime fixe de la part fourniture des tarifs bleus 3 et 6 kVA est négative). Elle devra être intégralement refondue avant l'ouverture totale du marché, pour prendre en compte le tarif d'utilisation des réseaux publics.
2.3. Conséquences pour les ELD
Toute hausse appliquée aux tarifs de vente réglementés doit être répercutée sur les tarifs de cession, auxquels les ELD achètent l'électricité pour fournir leurs clients restés aux tarifs de vente réglementés.
3. Avis de la CRE
3.1. La commission émet un avis favorable sur le projet d'arrêté, qui prévoit une hausse des tarifs réglementés de vente de 1,7 % en moyenne.
3.2. La commission est d'avis que la hausse doit être différenciée par tarif, afin de refléter les coûts et d'éviter les subventions croisées entre tarifs. L'augmentation des tarifs jaunes et verts doit, ainsi, être supérieure à celle des tarifs bleus.
3.3. La commission demande que les défauts de structure importants de la tarification actuelle soient corrigés, pour supprimer les distorsions de concurrence qu'ils engendrent.
Fait à Paris, le 9 août 2006.
Pour la Commission de régulation de l'énergie :
Le président,
P. de Ladoucette